Au 17e siècle, chimie et alchimie sont encore indissociables, même si l’alchimie commence à perdre peu à peu de sa crédibilité. Il est vrai que les spéculations philosophiques, mystiques ou spirituelles, dans le cadre de la pratique de l’alchimie et des théories de la matière sur lesquelles elle se fonde, sont particulièrement prégnantes à la Renaissance. C’est dans ce contexte que paraît cet ouvrage, reflet de son époque, même s’il peut aussi être considéré comme une amorce de la médecine moderne basée sur la biochimie. Il demeurera une référence incontestée presque jusqu’à la fin du 18e siècle.
Un auteur très influencé par Paracelse (1493-1541)
Médecin et chimiste allemand, Oswald Crollius est né vers 1560. Il étudia la médecine dans plusieurs universités allemandes, mais également à Strasbourg et à Genève. Il voyagea en Europe pour parfaire ses connaissances scientifiques mais aussi linguistiques.
D’abord médecin itinérant en Europe de l’Est, il s’installa à Prague en 1602, où il eut à soigner le prince Christian Ier d’Anhalt. Ce dernier lui apporta un soutien matériel pour mener ses expériences de chimie médicale, ou chimiâtrie.
Basilica chymica, son unique œuvre, écrite en latin, fut éditée en 1609, l’année de sa mort.
Un ouvrage scientifique empreint de théologie
L’ouvrage se compose de 3 parties principales.
Dans une longue introduction en forme d’avertissement, Crollius expose sa conception du monde et de l’homme très imprégnée de théologie chrétienne, d’alchimie et de magie de Paracelse (1493-1541) : tout procède de Dieu et l’univers est conçu comme un vaste système de correspondances entre l’homme (le microcosme) et le monde (le macrocosme).
La « Basilica chymica » proprement dite, est un descriptif détaillé de la préparation de remèdes. Les pratiques de laboratoire de Crollius sont fondées sur une théorie de la nature entièrement assujettie à la théologie.
Enfin, Crollius a rédigé un « traité des signatures », principe déjà longuement développé par Paracelse, selon lequel chaque chose et chaque être par son aspect, sa forme et sa couleur exprime ses propriétés. Ainsi, une plante, après extraction de substances par le biais de méthodes alchimiques, est présumée soigner l’organe du corps humain à laquelle elle ressemble. Ce traité connaîtra plusieurs versions.
Contrairement à Paracelse, resté très empirique, Crollius décrit avec précision les préparations individuelles, les compositions chimiques, leurs applications, avec des commentaires pratiques. C’est ce qui explique le succès de l’ouvrage : on ne compte pas moins de 17 rééditions en latin et il sera traduit en allemand en 1622, en français en 1624 et en anglais en 1670.
Un exemplaire richement annoté
L’ouvrage numérisé semble être l’édition originelle de 1609, publiée à Francfort par « Claude de Marne et les héritiers de Johann Aubry », imprimeurs-libraires associés originaires de France.
La présentation est relativement sobre. Des éditions plus tardives, par d’autres éditeurs, auront des frontispices richement illustrés, parfois en couleur.
Les différentes parties de l’ouvrage sont parsemées de nombreuses annotations manuscrites en latin, voire parfois de symboles similaires à ceux de l’alchimie. Enfin, on découvre à la toute fin de l’ouvrage, un long texte manuscrit, également rédigé dans un latin qui pourrait être du 18e siècle. Il y est question de Paracelse et d’un certain Johann Isaac Hollandus, vraisemblablement un pseudonyme sous lequel se cacheront des auteurs jusqu’au 19e siècle. Toutes ces notes manuscrites mériteraient sans nul doute une étude approfondie.
Lieu de conservation : Université de Strasbourg, Service des bibliothèques, Bibliothèque « L’Alinéa »
Cote : H 118.888
Provenance : Collection Bnu en dépôt à l’Unistra
Oswald CROLL, Basilica chymica, Francfort, 1609, in-quarto
Régine Tournay
Service des Bibliothèques de l'Université de Strasbourg