La mécanique céleste
Le fonds ancien de la Médiathèque protestante du Stift est constitué de plus de 10 000 ouvrages de théologie et de culture générale. Ce petit volume in-8 en est un parfait représentant puisqu’il contient deux traités de Caspar Peucer. L’auteur, professeur à l’université de Wittenberg, est le gendre du réformateur Ph. Melanchthon et était surtout mathématicien, médecin, et un homme politique. Comme Mélanchthon avant lui, Peucer attribue aux mathématiques et à la capacité donnée à l’homme de mesurer l’espace et le temps, la vertu de faire connaître la Providence divine dans le monde. Il nous laisse ici deux traités d’astronomie dont les éditions respectives de 1558 et 1554 ont été numérisées en 2020.
Dans Elementa doctrinæ de circulis cœlestibus…, il est question de mécanique céleste. Peucer n’y manque cependant pas de rappeler à l’intention des étudiants d’astronomie que le mouvement de la Terre est contraire aux raisons de la physique, ainsi qu’à l’Écriture sainte. Il s’agit d’une interprétation géocentrique traditionnelle pour son temps mais qui connût un succès certain en tant que manuel de cours. Il y est question de la sphère terrestre, une représentation bien établie depuis l’antiquité, des sphères sublunaires et supra lunaires sur lesquelles les planètes se déplacent, avec les étoiles qui restent immobiles au-delà. La théorie de Copernic est tout de même mentionnée dans les premières pages du traité.
Pour Peucer, les différentes hypothèses en astronomie se voyaient toutes à un moment données contraintes par des résultats mathématiques erronés. Il s’attache longtemps à cette question, dans d’autres publications, ainsi qu’aux savants d’après lui capables de faire avancer la science astronomique. Au niveau éditorial, l’imprimeur Johann Krafft y inclut 4 volvelles, de délicats instruments de mesure en papier, parfaitement conservées dans ces exemplaires.
En outre, de riches illustrations gravées sur bois (figures géométriques, reproductions d'instruments de mesure et d'observation, planisphères et cartes célestes) complètent le propos, avec par exemple une illustration de la courbure de la Terre observée depuis un phare qui voit un navire apparaitre sur l’horizon. Parmi les pièces liminaires, une épître dédicatoire de l'auteur à Auguste de Saxe datée du 1er juin 1551. Peucer, qui jouit d’un grand crédit à la cour de Saxe, obtient en 1569 que tous les ecclésiastiques de l’électorat soient contraints de souscrire au Corpus doctrinæ de Mélanchthon et fait adopter une partie des opinions du célèbre réformateur, proche des calvinistes, en terre luthérienne !
Le second traité, De dimensione Terrae… est un manuel de géographie mathématique qui se distingue de ses contemporains par la distinction apparente qui y est faite entre la géographie, l’astronomie et l’histoire. On y retrouve de multiples gravures sur bois de figures géométriques.
Autre particularité qui présente un grand intérêt dans notre exemplaire, les deux traités sont abondamment annotés aux encres sépia et rouge, les annotations sont même accompagnées de croquis. L’écriture est claire, petite mais lisible et constitue un témoignage de l’utilisation pratique du livre comme manuel de mathématiques au 16e ou au 17e siècle qui ne demande qu’à rejoindre un corpus documentaire pour un travail de recherche en histoire moderne. Sur la page de titre du premier traité se trouve un ex-libris manuscrit à l'encre rouge : " Sum Christophori Coleffelii Argentinensis."