Le globe céleste de Coronelli constitue l’une des pièces maîtresses de la collection d’astronomie de l’Observatoire de Strasbourg. Conçu par un moine vénitien à la fin du 17e siècle, à la gloire du Roi-Soleil, il a été fabriqué à Paris puis introduit à Strasbourg pendant la période impériale allemande.
Petite histoire des globes
Représentations du ciel aux côtés d’autres objets comme les astrolabes et les sphères armillaires, les globes existent depuis l’Antiquité. Longtemps fabriqués à l’unité - ils sont gravés, manuscrits ou peints - ils deviennent reproductibles à partir du 16e siècle grâce à l’impression des fuseaux de papier qui les recouvrent.
Dès lors, le modèle de la paire de globes - l’un céleste, l’autre terrestre, pour une représentation cosmographique complète de l’Univers - s’impose en Europe. Les fabricants hollandais tels Blaeu dominent longtemps la production.
Les globes sont achetés par les élites pour leur valeur décorative à la fois symboles de souveraineté, de connaissance et de vanité du monde.
Vincenzo Coronelli
Louis XIV, le Roi-Soleil, symbolise à la fin du 17e siècle la monarchie absolue et attire autour de lui de nombreux courtisans. L’ambassadeur du roi à Venise, le cardinal d’Estrées, veut faire au monarque le plus beau des cadeaux : une paire de globes. Le globe terrestre doit représenter l’état du monde connu alors, illustrant notamment les conquêtes royales et l’expansion coloniale, tandis que le globe céleste figurera l’univers où la figure royale est là aussi omniprésente - le ciel y est fixé comme il l’était au moment de la naissance du roi, le 5 septembre 1638.
C’est au moine Vincenzo Coronelli (1650-1718), cartographe, cosmographe et géographe, qui a acquis une solide réputation dans la conception de globes, que l’ambassadeur passe commande d’une paire de globes monumentaux, véritable prouesse technique. Leur réalisation sera menée de 1681 à 1683.
Coronelli se lance à la suite de ce succès dans l’édition de globes gravés. Depuis l’invention de l’imprimerie, la production de globes « en série » devient possible : les fuseaux sont imprimés à partir de plaques de cuivre et appliqués sur des formes en bois ou en carton.
Pour le globe céleste, Coronelli fait graver à Paris, chez le grand graveur Nolin, qui reproduit les dessins du peintre Arnould de Vuez (membre Académie royale de peinture) des fuseaux pour des globes de 1,08 m de diamètre. Les 26 plaques de cuivre (24 demi-fuseaux et 2 calottes polaires) de l’édition de 1693 sont conservées, à la Chalcographie du Louvre.
En plus des langues savantes (le latin, le grec et l’arabe), l’italien et le français sont présents sur le globe ce qui permet une diffusion élargie des différentes éditions (4 pour le globe terrestre et 6 pour le globe célestes) dans toute l’Europe. (voir détail : la constellation de la Petite Ourse)
Et le globe céleste de Strasbourg ?
Le globe céleste de Strasbourg porte une inscription sur le méridien en laiton (qui relie les pôles nord et sud et partage le globe en deux parties égales) : « faict par Gatellier, fabricant des instruments de mathématiques 1697 Paris », Gatellier étant un fabricant réputé de montures pour globes installé à Paris. Il semble que le globe de Strasbourg ait été réalisé d'après la seconde édition de 1693.
Le globe céleste est constitué d’une sphère de 107 cm de diamètre. Sa structure est faite d'une coque en papier, posée sur une armature en bois et recouverte d’une toile, puis d’une couche de levka, sur laquelle sont apposés, à la colle de peau, les fuseaux - imprimés sur papier vergé et doublés d’un papier de renfort - de la représentation céleste de Coronelli. L’œuvre est ponctuellement rehaussée à l’aquarelle rouge et bleu, puis gomme-laquée.
Le globe est accompagné d’un dispositif de projection inédit permettant de comparer la représentation du ciel à l’époque de Louis XIV avec celle d’aujourd’hui.
On ne sait pas dans quelles conditions il est arrivé à l’Observatoire de Strasbourg. Sa présence est attestée pour la première fois par une photo datant de 1926.
Au fil des années, le globe s’est peu à peu dégradé. Parce qu’il fait partie des rares institutions détentrices de ce type d’objet à la valeur patrimoniale exceptionnelle – il en reste une petite dizaine en France - l’Observatoire astronomique de Strasbourg, avec l’aide de l’Université et plus particulièrement du Jardin des sciences, a fait restaurer le globe fin 2019 et peut désormais le valoriser auprès d’un large public.
Auteur : D. Issenmann & A. Bohn
Globe de Coronelli, n° d'inventaire IM67014768, Observatoire de Strasbourg
Une bibliographie est également disponible en ligne.