Un ouvrage d'histoire économique, d'histoire d'entreprise et d'histoire immédiate d'une grande modernité, paru en 1823
Cet ouvrage, Relation historique des progrès de l’industrie commerciale de Mulhausen et ses environs, présente une histoire du développement industriel et commercial de Mulhouse et une série de tableaux comprenant des listes de manufactures, classées par ordre chronologique de leur fondation, avec l’évolution de leurs raisons sociales.
Mathieu Mieg, issu d’une famille de marchands-fabricants de draps de laine, est associé à l’entreprise familiale en 1776 et s’inscrit à la Tribu des agriculteurs dont il gravit les échelons hiérarchiques pour devenir zunfmestre en 1796. Opposant à la réunion de Mulhouse à la France en 1798, il se retire par la suite de la vie publique. Sous l’Empire, il donne une dimension industrielle à son affaire, mais pratique également la peinture et l’histoire. Il préside le Bureau de bienfaisance de Mulhouse de 1820 à 1830. Le bénéfice de la souscription de son ouvrage, vendu 2 F, est d’ailleurs destiné « au soulagement des pauvres ».
Cet ouvrage se compose de deux parties bien distinctes :
- La première, de la p. I à XX, est une histoire du développement industriel et commercial de Mulhouse, à l’exception des deux dernières pages, consacrées, parce qu’il « restait une feuille en blanc », à un résumé de l’histoire de la ville libre depuis sa fondation jusqu’en 1798. On ne s’étonnera pas que l’auteur démarre son récit par la draperie de laine, mais il reconnaît un peu plus loin le rôle fondamental de l’impression sur étoffes qui « dans son élan changea la face des modestes habitants de la ville » (p. V) et transforma cette dernière si profondément que « nos grands-pères », dit-il, ne la reconnaîtraient plus. Tout est dit, ou presque, dans ce récit : l’initiative de 1746, les bricolages du début, le succès lié à la nouveauté du produit, les qualités de l’eau de la Doller, l’engouement provoqué par les perspectives de profit (mais rien sur « l’éthique protestante » de ses confrères), la périodicité du cycle des affaires, la recherche de la qualité, les progrès de la chimie, les questions douanières ! L’auteur enchaîne sur les autres fabrications de la ville, rubans de soie, toiles de coton, papiers peints, papier, lithographie et conclut en évoquant le développement commercial (notamment la multiplication des cabarets) et la prochaine mise en service du canal du Rhône au Rhin. Bien qu’à la tête du Bureau de bienfaisance, il néglige complètement les problèmes sociaux qui n’entrent pas, il est vrai, dans une « relation des progrès de l’industrie commerciale ».
- La seconde, de la p. 1 à 24, présente une série de tableaux comprenant des listes de manufactures, classées par ordre chronologique de leur fondation, avec l’évolution de leurs raisons sociales. Ces listes concernent l’impression et la filature mécanique à Mulhouse et dans les environs, le tissage à Mulhouse. Un tableau statistique mesure le métrage de toiles peintes fabriquées à Mulhouse depuis l’origine et constate que cela représente quatre fois le tour de la terre ! Cette partie se termine comme un annuaire avec des listes de commerçants de toutes natures, y compris, pour terminer, de « commerçants israélites établis… depuis vingt-cinq ans » parmi lesquels on relève les noms des Bernheim, Dreyfus, Lantz, Paraf, etc.
Il faut souligner la modernité de cet ouvrage paru en 1823 : hormis deux pages « hors-sujet », c’est de l’histoire économique, de l’histoire d’entreprise et de surcroît de l’histoire immédiate. L’auteur date, nomme les acteurs, passe en revue des problématiques essentielles, crée et utilise des statistiques. Par son souci d’exhaustivité et sa démarche systématique, il préfigure un autre chef-d’œuvre mulhousien, L’Histoire documentaire de l’industrie de Mulhouse et de ses environs au XIXe siècle publié par la SIM en 1902.
À noter deux autres particularités de l’ouvrage : une belle couverture, ornée de caractères calligraphiées et d’une lithographie d’Engelmann représentant une déesse antique, tenant dans ses mains le caducée, symbole du commerce, et la couronne de lauriers, placée devant une usine fumante au milieu de machines (en bois…) et d’outils de l’industrie textile ou de la chimie ; il est suivi d’une réponse manuscrite et anonyme de quatre pages en allemand gothique… qui restent à déchiffrer et à traduire.
Nicolas Stoskopf
Mots-clés : industrie ; commerce ; entreprises ; raisons sociales ; commerçants ; Mulhouse.
Date d'édition : 1823
Fonds : Trésors du mois
Lieu de conservation : Bibliothèque municipale de Mulhouse
Cote : F 1202
Références : Raymond Oberlé, « Histoire et historiens mulhousiens au cours du XIXe siècle », BSIM, 4, 1993, p. 49 ; Id., « Mathieu Mieg », Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne, n° 26, 1995, p. 2654.