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Portefeuille ethnographique, Engelmann
La bibliothèque municipale conserve des centaines d'estampes identifiées comme étant du lithographe. Lithographies, chromolithographies, traités sur la lithographie... Des acquisitions d'œuvres de Godefroy Engelmann viennent chaque année augmenter cette collection, comme par exemple ce Recueil manuscrit autographe ou l'Histoire de Gil Blas de Santillane, suite de 24 estampes, tous deux acquis en 2020.

Né à Mulhouse le 17 août 1788, Godefroy Engelmann apprend le dessin à Paris et fréquente l'atelier de Regnault, avant d'entrer comme dessinateur dans une fabrique d'indiennes. Il épouse en 1809 Anne-Catherine Thierry, la fille de son patron.
Après quelques essais inspirés, dès 1813, par la découverte de lithographies rapportées d'Allemagne par un de ses amis, et un voyage à Munich pour acquérir presse et pierres, il installe une petite presse au Musée des Beaux-arts de Mulhouse. Le 8 mars 1815, il fonde, avec notamment le concours de Jean Zuber, fils du fabricant de papiers peints, la Société lithotypique du Haut-Rhin "pour la gravure en tout genre, d'après les procédés déjà connus et usités en Allemagne, particulièrement à Munich sous le nom de lithographie". Le traité prévoit la possibilité d'implantations hors de l'Alsace.
En juin 1816, Engelmann vient à Paris avec son beau-frère Pierre Thierry et crée une imprimerie au 18, rue Cassette à Paris ; pour être en conformité avec l'ordonnance du 8 octobre 1817, il lui est accordé un brevet. Comme il ne peut avoir qu'un seul brevet, il jouit, pour Mulhouse, d'une "tolérance provisoire", accordée le 4 décembre 1817.

Revenu à Mulhouse après 1833, Godefroy Engelmann s'associe avec son fils Jean dans la société Engelmann père et fils. En 1830, l'imprimerie bénéficie de 30 000 F de prêt de l'Etat au titre du soutien à l'économie du livre ; à la mort de Godefroy Engelmann, la société n'en aura remboursé qu'une moitié environ.

Il est très actif pour assurer la promotion et le perfectionnement de la lithographie. En octobre 1815, il envoie des épreuves d'impression lithographique à la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Lors de la séance du 3 août 1816 de l'Académie des Beaux-arts, il présente avec Antoine Pierre Mongin "une suite de gravures lithographiques et [ils] lui exposent les divers procédés de perfectionnement qu'ils ont apportés dans cet art et les nouvelles applications qu'ils ont eu le secret d'en faire à plus d'un emploi aussi utile que curieux." Ces perfectionnements permettent d'augmenter "l'uniformité des épreuves et leur netteté" et surtout donnent la possibilité aux artistes de retoucher leur dessin. Cette présentation fait l'objet d'un rapport remis le 2 novembre suivant qui recommande au ministre de l'Intérieur d'encourager les recherches d'Engelmann. Il fait enregistrer le 12 octobre 1819 un brevet d'invention pour reproduire par la lithographie les dégradés de gris sans recours aux hachures ou pointillés, mais par effet de lavis.

Le 31 août 1837, associé avec son fils Jean, il obtient un autre brevet d'invention de dix ans pour "un nouveau procédé d'impression lithographique en couleurs" qu'ils nomment "impression lithocolore" et rapidement "chromolithographie". Il avait déjà publié, en 1837, un Album chromolithographique ou recueil d'essais du nouveau procédé d'impression en couleurs, inventé par MM. Engelmann père et fils de 7 chromolithographies.

Ses recherches pour améliorer les presses lithographiques sont remarquées par le jury de la Société d'encouragement de l'industrie française qui le récompense, en 1830, pour une presse métallique moins encombrante et surtout munie d'une racle métallique, mais souple, efficace ; l'ensemble de la machine semble encore perfectible mais les "efforts continus" d'Engelmann et "les services qu'il a rendus à la lithographie" lui valent une médaille d'or de seconde classe.

En 1820, il imprime un Porte-feuille géographique et ethnographique rassemblant cartes géographiques, paysages, costumes, dessins scientifiques avec un texte comparant les divers pays du monde.

 

Engelmann est, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, l'un des grands imprimeurs de prestigieuses entreprises comme les Souvenirs pittoresques du général Bacler d'Albe (voir ci-contre), Lettres sur la Suisse, l'Anatomie de l'homme, les Cathédrales françaises, le Voyage pittoresque dans le Brésil, le Voyage pittoresque et militaire en Espagne... Toutefois, il produit des lithographies très diverses : quelques illustrations médiocres pour le Gymnase lyrique (1831) recueil de chansons vendues par livraisons, mais aussi de volumineuses galeries de portraits (militaires français "qui se sont distingués par leur courage", artistes de l'Opéra, Alsaciens).
La succursale londonienne, à la fois dépôt des lithographies imprimées en France et imprimerie locale, ne réussit pas comme escompté et doit être liquidée au début des années 1830. En revanche, dès 1824, Engelmann et ses associés abordent le marché européen, en commençant par la Russie, puis les états germaniques qu'ils visitent eux-mêmes ou par le biais de représentants, et sont présents à partir de 1827 à la foire de Leipzig. Leur réseau atteint bientôt la Belgique, la Hollande, la Suisse, l'Italie, voire Riga, New York et le Mexique.
Il reçoit dès 1816 une médaille d'argent de la Société d'encouragement, une médaille d'or au Salon de 1819, une médaille d'argent à l'Exposition des produits de l'Industrie de 1823...

La bibliothèque conserve par ailleurs un autre fonds très précieux, le fonds Juillard-Engelmann, déposé en 1976 par les descendants de la famille Juillard et donné à la ville en 1988.
La collection comporte les 17 volumes des Voyages pittoresques et romantiques dans l'Ancienne France, du Baron Taylor et Charles Nodier. Elle comprend aussi des œuvres très rares imprimées et publiées par Godefroy Engelmann : Voyage au Brésil de Rugendas (1827), les Amours de Psyché et de Cupidon (1825), le Sacre de Charles X (1825)... Elle renferme également plusieurs albums portant sur la Russie publiés par les successeurs d'Engelmann (La Russie illustrée; Description de la grande cloche de Moscou), ainsi que des recueils de référence contenant des épreuves d'étiquettes commerciales, sorte de recueils d'archives publicitaires (voir ci-contre).
Les œuvres d'Engelmann sont conservées au sein du Cabinet des Estampes et Dessins. Il a été créé en 1955 grâce à l'initiative conjuguée de Noë Richter, Conservateur de la Bibliothèque (de 1950 à 1971) et de Léon Lang, artiste peintre, passionné de lithographie qui forma à cet art de nombreux jeunes artistes de son temps. Ce dernier ira jusqu'à créer une Société de graveurs : la Société Godefroy Engelmann pour laquelle la Bibliothèque sera partie prenante dans la tenue régulière d'expositions.