Les Trente-six vues de la Tour Eiffel

Le service du patrimoine vous présente un trésor de l’art lithographique français : tiré à 500 exemplaires (la BM de Mulhouse possède l’exemplaire n°7, signé de l’auteur), Les Trente-six vues de la Tour Eiffel d’Henri Rivière célèbrent la Dame de Fer. Édité entre 1888, date des premières vues lithographiées, et 1902, ce chef-d’œuvre japonisant est également un hommage à Hokusai et à ses Trente-six vues du Mont Fuji.

L’auteur, Henri Rivière, a été souvent décrit comme un “homme d’images”. Théâtre d’ombre, photographie, peintre-graveur ... puis art japonais : ses intérêts sont variés et l'entrainent à expérimenter de nouvelles techniques. Homme moderne et “de son époque”, il est présent sur le chantier de la tour de Gustave Eiffel et l’escalade alors qu’elle est encore en construction en 1889. Cette expérience acrobatique lui inspire 4 des 36 vues de l'œuvre qu’il publiera en 1902 : il cherche à célébrer la “monumentalité novatrice” de cette tour métallique.

Techniquement, cette suite d’estampes est composée de lithographies “en cinq tons”, c’est à dire avec cinq couleurs différentes apposées chacune grâce à une pierre lithographique. On observe aussi en bas de chaque vue une signature, tout à fait japonaise dans son apparence : il s’agit d’un Inkan (cachet) - selon la tradition japonaise - avec les initiales d’Henri Rivière.

Six pages de prologue ouvrent l'œuvre et marquent son statut de livre d’exception : l’éditeur lui a donné des allures de manuscrit médiéval par sa graphie, sa rubrication et ses motifs de fin de ligne. Signé par Arsène Alexandre, collectionneur d’art, il explique la genèse du projet de Rivière, et se fait parfois ironique : “on a le Fuji-yama qu’on peut” !

À la fin de l’ouvrage figure une table des matières avec les titres des vues, indiquant principalement d’où la vue a été prise. En effet, comme le Mont Fuji dans la série originale, la Tour Eiffel, même en tant que sujet principal, est rarement au premier plan. Il faut parfois la chercher dans l’immensité de Paris, ou dans la forêt des cheminées greffées aux fameux toits en zinc. Souvent, ce n’est qu’une silhouette ébauchée, voire tronquée. Parfois au contraire, elle occupe toute la page : on se sent à la place de l’artiste qui l’avait escaladée alors qu’elle était en construction, au milieu des poutrelles qui surplombent la ville. Peu de personnes sont représentées : la plupart sont des ouvriers du chantier, comme un plombier, un peintre...

Finalement, cet album est l’occasion pour Henri Rivière, qui adorait Paris, de lui rendre hommage. Le point de vue de l’artiste tour à tour longe le sol, se faufile sous les ponts, enjambe les voies de chemin de fer, va chatouiller les gargouilles de Notre-Dame, surplombe la ville... Paris en ressort sublimée, comme sur cette somptueuse planche (n°19, “De la rue des Abbesses”) où, sur le bord droit de l’image, un soleil rouge tout à fait japonisant frôle la lointaine Dame de fer.

Référence :

Auteur : Henri Rivière
Editeur : Verneau (Paris)
Date : 1902
Lithographie en cinq tons
Cote : BM Mulhouse; 706 114
 

Pour aller plus loin :

Auteur du trésor : Jehanne Ducros Delaigue, Bibliothèque municipale de Mulhouse