Botanicum Monspeliense, Pierre Magnol, 1686

C’est à l’usage des étudiants qui herborisaient en sa compagnie que Pierre Magnol rédigea Botanicum Monspeliense. Publié pour la première fois en 1676, son succès fut tel qu’une seconde édition vit le jour dix ans plus tard. Dans ce catalogue illustré de 22 planches originales, l’auteur décrit plus de 1350 espèces de plantes de la région de Montpellier, désignées par des polynômes latin pré-linnéens et classées par ordre alphabétique. Il donne en outre des précisions sur leur habitat, leur localisation et leurs usages (médicinal ou autre). L’édition de 1686 comprend des corrections et un ajout de 106 espèces supplémentaires. Elle est aujourd’hui moins rare. C’est un exemplaire de cette seconde édition que possède le Service des bibliothèques de l’Université de Strasbourg. Il est relié avec le Prodomus historiae generalis plantarum, œuvre majeure de Pierre Magnol, publiée en 1689 et dans laquelle il introduisit pour la première fois la notion de famille dans un système de classification des plantes. Le caractère exceptionnel et unique de cet exemplaire est lié aux notes manuscrites de ses deux possesseurs identifiés grâce à la page de faux-titre : Philibert Commerson en 1755 et Dominique Villars en 1777.

Un ouvrage de floristique qui fait référence

Botanicum Monspeliense est considérée comme l’une des plus remarquables flore locale de son époque et elle fera longtemps office de référence en floristique. Le botaniste suédois Carl von Linné (1707-1778), père du système actuel de nomenclature des végétaux, s’en inspira. Pierre Magnol est né en 1638 à Montpellier. Formé à la très réputée Faculté de médecine de la ville, il y obtint son doctorat en janvier 1659. Au sein de l’Université montpelliéraine, son appartenance à la religion protestante l’a longtemps desservi. Ce n’est que bien après la révocation de l’édit de Nantes et avoir lui-même abjuré sa religion qu’il obtint une chaire à la faculté de médecine en 1694, puis le poste de directeur du Jardin des plantes en 1697. Au-delà de cette reconnaissance officielle tardive, Magnol se passionna pour l’étude des plantes dès son enfance. Il s’y consacra intégralement après son doctorat en herborisant abondamment dans la région montpelliéraine et dans les Cévennes. Les étudiants de l’Université de Montpellier fréquentaient assidûment ses sorties dans la campagne languedocienne. Pierre Magnol mourut en 1715 à Montpellier.

Philibert Commerson, la botanique autour du monde

Philibert Commerson est né en 1727 dans l’Ain. Attiré très jeune par les sciences naturelles, il partit étudier la médecine à la Faculté de Médecine de Montpellier en 1748. N’étant pas contemporain de Pierre Magnol, il ne l’a pas eu comme professeur, mais a pourtant été animé par la même passion des plantes et de l’herborisation. Tout au long de sa courte vie, il n’a eu de cesse d’accroître ses récoltes, voulant former un herbier plus riche en nombre et en rareté que tous les herbiers connus jusqu'à lui. À ces fins, il n’hésitait pas à prélever des échantillons dans les collections du Jardin des plantes de Montpellier. Il « ravageait » les plantations, en venant la nuit si nécessaire, au point d’avoir été interdit d’entrée dans le jardin par un de ses enseignants. Obtenant le grade de médecin en 1754, il étudia la flore du Languedoc. C’est sans doute pour cela qu’il acquit l’ouvrage de Magnol en 1755. Est-ce lors d’une de ces pérégrinations qu’il a collecté et épinglé, à la page 263, l’échantillon du Trifolium pratense, parfaitement conservé et ajoutant un caractère exceptionnel à cet exemplaire ?

Il partit ensuite herboriser en Savoie et en Suisse. En 1764 Commerson s’installa à Paris. Grâce à sa réputation et à l’aide de son ami d’enfance et célèbre astronome Jérôme Lalande, il fut choisi comme le naturaliste de l’expédition autour du monde (1766-1769) commandée par Louis-Antoine de Bougainville. Celle-ci va lui permettre de récolter, dessiner et décrire de nombreuses espèces animales (il s’intéressait aussi à l’ichtyologie) et végétales inconnues en Europe. En 1868, alors que les navires repartent vers la France, Commerson demeure à l’île Maurice où il mourut en 1773 à l’âge de quarante-six ans. Il n’eût ainsi pas le temps de publier ses découvertes. Ce fût fait par ses contemporains grâce au contenu (écrits, collections et herbier riche de plus de cinq mille espèces) des trente-deux caisses remplies au cours de ses sept années de prospection et parvenues au Jardin du Roy (le futur Muséum national d’histoire naturelle) en 1774. Son exemplaire du Botanicum Monspeliense se trouvait-il dans une de ces caisses ?

Dominique Villars, dernier possesseur connu

Quoi qu’il en soit, Dominique Villars écrivit en 1777, qu’il l’a « acheté à Paris chez Didot, à cause des notes de Commerson ». Il y a lui-même ajouté de nombreuses annotations, sur la vie de Commerson notamment. Dominique Villars était un médecin et botaniste né en 1745. Originaire du Dauphiné, il fut professeur à Grenoble, avant d’être nommé doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg. À l’instar de Magnol et de Commerson, Villars herborisait dès que possible. Il visita le Midi de la France et les collections botaniques de Montpellier, Nîmes et Marseille. Il a beaucoup herborisé en Alsace. Nommé directeur du jardin de l’école de médecine de Strasbourg (ancêtre du Jardin botanique de l’Université) en 1805, il en a publié le catalogue des plantes en 1807. Il mourut à Strasbourg en 1814. Quel fût ensuite l’itinéraire de l’exemplaire du « Botanicum Monspeliense » avant qu’il ne se retrouve dans les collections de la BNU (en dépôt à l’Université de Strasbourg) ? A-t-il eu encore un autre propriétaire ? Des deux possesseurs identifiés, il n’est en effet pas évident de savoir, notamment d’après l’écriture, si c’est l’un d’entre eux qui a écrit la longue note manuscrite sur la « Manière de seicher les raisins pour les conserver pendant toute l’année que l’on appelle en
Languedoc passariller ». Commerson comme Villars ayant séjournés dans le sud-est de la France, l’un comme l’autre pourrait en être l’auteur.

Pierre MAGNOL, Botanicum Monspeliense. Sive plantarum circa Monspelium nescentium index, Montpellier, 1686, in-octavo. Strasbourg, Bibliothèques de l’Université, H 134.023,1 (Collection BNU en dépôt à l’Université de Strasbourg).

Régine TOURNAY
Service des Bibliothèques de l’Université de Strasbourg